Son titre même interpelle. Il est sonore, rythmé, régulier... musical. "TAPA TAPU" avec son allitération en T et P suggère l'impact entre le bois strié du battoir à 4 pans et celui de l'enclume collective sur laquelle est pressée l'écorce, processus nécessaire à la confection du Tapa, étoffe végétale caractéristique du savoir-faire polynésien. S'il fait référence à cet héritage, son créateur - Romain Pater aka Maimoa - propose avec TAPA TAPU une vision "décomplexée" du battoir ; il incite en effet le spectateur à déplacer son point de vue. L'objet sacré devient alors objet sexué.
TAPA TAPU a été réalisé dans le cadre de la première exposition du World Art Day à Tahiti "Mona Lisa Tapa tout dit" car l'une de ses commissaires d'exposition, Valmigot (ndrl artiste plasticienne également) , voulait avoir la "vision" de Maimoa. Sachant qu'il était créateur de la marque originale de bijoux intimes Maimoa, "Val savait que je pouvais apporter une originalité toute à moi sur ce sujet du Tapa".
"Pour un néophyte, peut-être que ce sera une représentation phallique trônant fièrement sur son support".
Avec cette création, Romain-Maimoa veut "inciter les gens à réfléchir sur leur perception des choses. Pour un polynésien, c'est un battoir à tapa et une pierre usée par des années de service. Pour un néophyte, peut-être que ce sera une représentation phallique trônant fièrement sur son support. Je voulais insister sur la perception des choses qui a profondément évolué sous l'influence coloniale. L'abandon du tapa, pourtant sacré, des moeurs et des coutumes au profit de ce qui "devait être" analyse l'artiste.
Intention et perception
"Le battoir de TAPA TAPU est en bois de 'uru , l'arbre à pain, pour le rappel de l'écorce composant certains tapa." nous livre Maimoa. "Il est fait de manière traditionnelle avec 4 faces différentes, les stries les plus larges pour dégrossir les fibres. Puis au fur et à mesure, on utilisait les autres faces pour terminer avec celle présentant les stries les plus fines. Ce travail permettait d'assouplir, d'allonger et d'amincir les fibres afin d'obtenir une grande pièce d'étoffe" explique Romain.
En effet, l'étoffe végétale prenait forme alors sous le mouvement cadencé et le chant collégial des tahitiennes qui détenaient le privilège de la réaliser. "un art appliqué, où le génie créateur des différentes populations océaniennes s'est totalement manifesté" écrivait MARIE-HENRIETIE KROTOFF, à l'occasion de l'exposition APPROCHE DU TAPA OCÉANIEN 4 juillet - 15 octobre 1985 Musée des Tapisseries d'Aix-en-Provence
"L'originalité vient du manche que j'ai tourné et marqueté de nacre. Mon objectif était d'en faire un godemichet de luxe orné d'une perle de Tahiti, la philosophie de Maimoa". nous confie l'artiste. "J'avais envie d'apporter cette touche de choquant dans quelque chose de sacré. La pierre sert de support à cette sculpture, lui donnant un air de "fuck machine", ce qui me plaît beaucoup".
"J'avais envie d'apporter cette touche de choquant dans quelque chose de sacré. "
Comments